Monsieur le Député, Monsieur le Sénateur,


Comme nombre d'élus de notre pays du Bessin, nous nous interrogeons sur les conséquences qu'aura la suppression de la taxe professionnelle à l'horizon 2010 pour nos collectivités territoriales, en particulier pour les intercommunalités auxquelles nous appartenons. Aussi espérons-nous que vous pourrez nous éclairer sur les projets de substitution du gouvernement.


Prenons par exemple le cas de Bayeux Intercom. Il y a quelques mois, l'Etat nous a encouragés à mettre en place la Taxe Professionnelle Unique avant le 31 décembre 2008, afin de pouvoir bénéficier de suppléments de dotation intéressants. Le système paraît simple et de bon sens : la part des impôts locaux des particuliers précédemment versée à l'intercommunalité ira à leur commune, tandis que la quote-part versée par les entreprises à la commune financera désormais l'intercommunalité, qui a justement en charge les équipements dont elles ont le plus besoin. Bayeux Intercom a donc fait l'effort de passer à ce nouveau système dans les délais impartis, tout en sachant qu'il comportait une part de risque :

 

le financement de Bayeux Intercom allait dépendre désormais très largement des ressources de la taxe professionnelle. Autrement dit, si l'activité économique se développe, les ressources de l'intercommunalité augmentent, mais si les entreprises quittent le territoire, ces ressources diminuent. La communauté de communes a donc intérêt à investir dans les équipements de nature à attirer les entreprises, et une dynamique peut alors se créer.
Mais voilà que jeudi dernier, à la télévision, sans aucune information préalable ni concertation avec les premiers concernés, l'Etat, par la voix de son Chef, annonce au public la suppression de la taxe professionnelle, sans aucune piste sérieuse ni précise de compensation pour le financement des collectivités locales.
Certes on peut comprendre que des chefs d'entreprise se réjouissent de cette mesure.
Beaucoup d'élus sont d'ailleurs convaincus que la taxe professionnelle aurait besoin d'être réformée, afin de ne pas entraver le développement des entreprises. Mais la supprimer du jour au lendemain... est-ce bien raisonnable ?
Est-ce bien responsable de semer la division entre les élus locaux et les entreprises ? Car c'est bien de cela qu'il s'agit : si les collectivités locales réclament le retour de la taxe professionnelle, elles vont maintenant apparaître comme des adversaires des entreprises !
Diviser pour mieux régner, telle semble être la devise du chef de l'Etat. Or en période de crise, on attendrait au contraire du Président de la République, du garant de l'unité nationale, autre chose que des mesures de division nationale.
«L'Etat compensera», nous dit-on ? Et avec quel argent, quand le niveau de notre endettement atteint déjà le seuil de la banqueroute ? Augmenter les taxes foncières et d'habitation ? Créer de nouvelles axes ? Qui pèseront sur qui ? Une taxe carbone ? Piste certes intéressante mais qui nécessiterait de toute açon une refonte globale de la fiscalité... est-ce bien sérieux de l'envisager pour 2010 ?


Comment justifier, donc, cette extraordinaire versatilité de la parole d'Etat ? Avez-vous, messieurs les parlementaires, été consultés ? Avez-vous cautionné et pourriez-vous le faire sans langue de bois partisane ou crainte courtisane ? Cette annonce a dû vous prendre vous-mêmes au dépourvu, vous qui êtes pourtant représentants de la Souveraineté Nationale !
On assèche les collectivités locales, on réduit le rôle du Parlement, on n'écoute pas sa propre majorité, on se croit omniscient... Le fait du Prince devient la règle ! C'est l'un des symptômes les plus sûrs de la dictature moderne, selon Hannah Arendt, que cette suppression des corps intermédiaires entre l'exécutif et les administrés.
Chacun - particulier, élu, entrepreneur - doit en être averti : quelle crédibilité peut-on encore accorder à la parole d'Etat, quand elle est vouée à l'improvisation et à l'instabilité des caprices successifs du Chef de l'Etat ?
Que reste-t-il de notre démocratie ?


Christine Delecroix, conseillère communautaire de Bayeux Intercom
Jean-Pierre Onufryk, vice-président d'Isigny-Grandcamp Intercom

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