Philippe Lailler (MoDem) est, à 53 ans, le maire-adjoint en charge de la sécurité, du stationnement et du patrimoine communal.

Qui sont nos adjoints ? Le pharmacien de La Grâce-de-Dieu a hérité de la sécurité. Connu pour son sens de la provocation, le président du MoDem assure vouloir la jouer désormais modérée.

Portrait

C'était 15 jours après la victoire de la droite et du centre aux municipales. Philippe Lailler, le nouveau maire adjoint à la sécurité, rencontre pour la première fois les agents de stationnement et les policiers municipaux. L'élu MoDem exhibe une contredanse : « Je continuerai à payer mes contraventions. Comme tous les élus de la mairie, même si ce n'était pas forcément le cas avant. »

C'est ça, le style Lailler. Un mélange de malice et de provocation.

Ce pharmacien de 53 ans, on le connaît surtout pour ses sorties médiatiques. En 2007, il pose sur la pelouse des futures Rives de l'Orne, un ballon de foot et un carton orange en main, pour reprocher à la maire UMP, Brigitte Le Brethon, la lenteur du projet immobilier.

En novembre 2013, il enfile un masque des Anonymous devant son officine, à La Grâce-de-Dieu, pour annoncer qu'il dépose un recours devant le conseil national de son ordre. Sa corporation l'avait attaqué pour s'être trop épanché dans les médias au sujet de son site de vente en ligne de médicaments.

Ancien directeur d'hypermarché

Qui se cache derrière l'agitateur ? Un Caennais pure souche, fils de pharmacien. Après le collège Pasteur et le lycée Malherbe, le jeune Philippe marche dans les pas de son père et suit des études de pharma. Mais il embraye avec un troisième cycle à l'ISG, une école de commerce parisienne : « J'avais une fibre d'entrepreneur. »

Il ne démarre pas sa vie active derrière un comptoir de pharmacie mais dans la vente de machines de biologie puis d'informatique médicale. À 28 ans, ce défricheur ouvre à Moisselles (Val d'Oise) la deuxième parapharmacie de France, dans un supermarché Leclerc. Il évolue dans le groupe et dirigera même un hypermarché, en région parisienne.

Début des années 1990, retour à Caen. Il intègre la pharmacie de son père, aujourd'hui décédé, et la reprend en 1993. Il a 32 ans. Et zéro expérience politique. Pourtant, en 1995, Jean-Marie Girault, maire de l'époque, le sollicite pour représenter le quartier de La Grâce-de-Dieu sur sa liste.

Il va apprendre à mener une triple vie d'entrepreneur, d'homme politique, mais aussi de père de famille. Marié à une avocate, il a eu trois filles, âgées aujourd'hui de 8, 14 et 20 ans. Malgré son nouveau mandat, il reste à la barre de la pharmacie et d'une société d'équipement médical. « J'ai toujours plein d'idées dans la tête », sourit-il.

Levé à 5 h 45, cet hyperactif commence par lire sur tablette Le Figaro, Les Échos et Ouest-France, avant d'aller saluer ses employés. Il vient d'ajouter à son agenda « un point tous les matins, avec la police municipale, sur les dernières 24 heures ». Enchaînant 70 à 80 heures par semaine, s'accordant une semaine de ski l'hiver et deux semaines et demie de vacances l'été, Philippe Lailler n'a pas de hobby. La piscine et la course à pied, il les a laissées de côté durant la campagne. Quand il veut faire un break, il se rend dans son « pied-à-terre, à Trouville ».

« Je suis clivant »

Au MoDem, on juge qu'il fait « un bon président ». Rodolphe Thomas, dont Philippe Lailler fut suppléant en 2002, apprécie cet « élu atypique, qui n'est pas du sérail mais va jusqu'au bout de ses convictions ».

À gauche, on le juge « aux antipodes de ce qu'on est en droit d'attendre de la classe politique aujourd'hui ». Un ancien adjoint de Philippe Duron attribue au « trublion » la rumeur infondée des 55 000 € mensuels perçus par l'ex-maire socialiste, tout en reconnaissant : « On n'a pas les moyens de le vérifier... » Sur les marchés, Louis Mexandeau le traite de « voyou ».

Le centriste le reconnaît lui-même : « Je suis clivant. » La contrepartie d'un caractère « entier », qui entraîna de nombreux remous sous le mandat Le Brethon. « C'est plus facile avec Joël Bruneau », glisse-t-il.

Mais l'agitateur saura-t-il travailler en équipe ? « Toute mon énergie à remettre en cause le mandat de Philippe Duron, je vais la mettre au service des Caennais », promet-il. Et les sorties fracassantes qui attirent micros et appareils photos ? « Je vais faire attention, être modéré », confie, presque par surprise, le nouvel adjoint.

Aux caméras de télé, il préfère désormais les caméras de surveillance. Car il voudrait équiper la ville en vidéoprotection, « avant la fin de l'année ». Pour cet entretien, le pharmacien a délaissé son bureau pour nous embarquer à bord d'un véhicule de patrouille de la municipale. C'est toujours ça, le style Lailler.

Laurent NEVEU.

Journal Ouest-France du mercredi 7 mai 2014
Edition : Caen

 

« Philippe Lailler, le trublion qui voudrait s'assagir (Ouest-France)

Philippe Lailler, le trublion qui voudrait s'assagir (Ouest-France)

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