François Bayrou et Nicolas Sarkozy partagent une analyse en commun : en 2012, l'ex-troisième homme de l'élection présidentielle de 2007 serait le seul capable de battre au second tour l'actuel détenteur du pouvoir. Du coup, leurs objectifs se rejoignent, même s'ils sont diamétralement opposés : pour l'un, il s'agit de parvenir à se hisser, cette fois, dans le duo de tête du premier tour ; pour l'autre, de l'en empêcher.

"Il faut tuer Bayrou." Depuis deux ans, la consigne n'a pas varié. Et la cellule élyséenne chargée de "flinguer" le président du Mouvement démocrate (MoDem) n'a pas désarmé. Pourtant, deux ans après, non seulement il est toujours là mais sa présence sur la scène politique n'a pas diminué. Le dernier sondage Ifop publié dans Sud-Ouest Dimanche du 26 avril a mis en émoi les grenadiers de l'Elysée.

A la question portant sur les intentions de vote au premier tour d'une élection présidentielle opposant les mêmes candidats qu'en 2007, M. Bayrou recueille 19 % (+ 0,5 point par rapport au score qu'il avait obtenu), ce qui le place à portée du scrutin de Ségolène Royal (20,5 %) qui, elle, perd 5 points. M. Sarkozy arrive en tête avec 28 %, enregistrant une perte de 3 points (sondage réalisé les 23 et 24 avril auprès d'un échantillon de 958 personnes).

Nul doute que la sortie du livre brûlot de M. Bayrou va déclencher une contre-offensive en règle. Mais force est de constater que, pour l'heure, les tentatives pour le réduire au silence se sont avérées inopérantes. Ce n'est pourtant pas faute de s'y être méthodiquement employé.

D'abord, en le dépouillant de ses élus. Bien avant le premier tour de l'élection de 2007, les émissaires de M. Sarkozy avaient "ferré" les proies les plus vulnérables parmi la vingtaine de députés qui avaient accompagné l'ancien président de l'UDF au cours de la précédente législature. Entre les deux tours, ils basculaient en bloc dans le camp du futur vainqueur. En contrepartie, les ralliés se voyaient accorder la protection de l'UMP pour conserver leur siège aux législatives. C'est ainsi que le Nouveau Centre a pu constituer un groupe d'une vingtaine d'élus à l'Assemblée nationale et que pas moins de quatre ministres (Hervé Morin) et secrétaires d'Etat (Valérie Létard, André Santini, Christian Blanc) issus de ses rangs ont été nommés.

PROCHAINE "CIBLE"

La promotion du Nouveau Centre avait à la fois pour objet de démontrer que, désormais, M. Bayrou était "seul" et de parasiter ses interventions en lui disputant l'apanage du centre. Deux ans après, le Nouveau Centre, inféodé à son puissant parrain, reste une coquille, sans autonomie ni perspectives, en quête de strapontins sur les listes de la majorité présidentielle aux élections européennes et d'une reconnaissance qui ne vient pas.

Prochaine "cible" annoncée : Michel Mercier. Le sénateur et président du conseil général du Rhône semble prêt à se laisser tenter par une fin de carrière ministérielle. Pour l'heure, il est vrai, il était plus utile, dans le dispositif sarkozyste, à la tête du groupe centriste du Sénat, où la majorité est fragile. M. Bayrou n'ignore pas, cependant, que, le moment venu, celui à qui le lie une longue amitié et qui a longtemps détenu les cordons de la bourse dans la formation centriste ira se poser dans les mailles du filet. Cela ne constituera ni une surprise ni une épreuve, tout ayant été réglé entre les deux hommes pour que les choses se passent sans accrocs.

En dépit de tous ces efforts pour marginaliser M. Bayrou, celui-ci continue de bénéficier d'une forte cote de popularité, sa voix porte et le mouvement créé dans l'élan de l'élection présidentielle s'est enraciné. Créé en décembre 2007, le MoDem a réussi à franchir les premières épreuves électorales et à faire émerger une nouvelle génération militante qui n'a plus grand-chose à voir avec l'ancien parti de notables qu'était l'UDF. Les élections européennes doivent permettre de propulser son leader vers l'objectif 2012. Pour M. Sarkozy, M. Bayrou reste "l'homme à abattre".
Patrick Roger

« Pour l'Elysée, le président du MoDem reste "l'homme à abattre" (Le Monde)

Pour l'Elysée, le président du MoDem reste

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